Ce jeudi 25 mars, le projet Hercule d’EDF a fait l’objet d’une nouvelle mobilisation massive. Suite à l’appel de la CGT, plus de 30 % de grévistes ont été dénombrés sur certains sites du fournisseur historique d’électricité. Grève des syndicats, chute de 18 % de l’action en Bourse d’EDF en janvier 2021, … le projet Hercule d’EDF ne cesse de susciter la controverse depuis son annonce janvier 2019 à l’Assemblée Nationale. En quoi consiste ce projet ? Pourquoi suscite-il une telle levée de boucliers ? Où en sont les négociations entre EDF, l’Etat français, et la Commission Européenne ? Réponses avec OMNEGY.

Projet Hercule : vers une scission d’EDF en trois entités

Originellement, le projet Hercule prévoyait une scission d’EDF en deux entités : EDF Bleu et EDF Vert :

  • EDF Bleu rassemblerait les activités nucléaires du groupe EDF et le Réseau du Transport d’Electricité (RTE) ;
  • EDF Vert regrouperait les activités du groupe relatives à la vente d’électricité aux professionnels et aux particuliers, c’est-à-dire les activités commerciales du Groupe.

Il est aujourd’hui question de créer une troisième entité, appelée EDF Azur. Cette entité regrouperait les activités hydrauliques du Groupe. Ces-dernières devaient originellement être rattachées à EDF Bleu.

Toutes ces entités bénéficieraient de statuts différents. L’Etat français serait l’actionnaire unique d’EDF Bleu. Il serait majoritaire au capital d’EDF Vert, qui serait néanmoins ouverte aux investissements privés et éventuellement cotée en Bourse.

Pourquoi le projet Hercule revêt-il une telle importance pour EDF ?

EDF ambitionne de devenir l’un des leaders de la transition énergétique. Cela implique une accélération de ses investissements dans les énergies renouvelables.

On peut ainsi lire dans un communiqué de presse du Groupe dédié au projet Hercule mis en ligne par l’Association des Elus Agents EDF et des Energies que son « objectif principal se résume très simplement : donner à EDF les moyens de faire les investissements nécessaires à la concrétisation de notre raison d’être : “construire un avenir énergétique neutre en CO2 conciliant préservation de la planète, bien-être et développement grâce à l’électricité et à des solutions et services innovants.

Pourtant, le mix électrique d’EDF est déjà historiquement faible en CO2 du fait de la part importante du nucléaire dans sa production. C’est pourquoi, la faible part d’électricité d’origine renouvelable du Groupe est souvent décriée, et engendre une perte d’avantage compétitif face à d’autres fournisseurs qui sont en mesure de proposer de l’énergie renouvelable plus locale.

C’est pourquoi, on peut également lire dans le communiqué de presse que « le deuxième objectif stratégique est de donner au groupe EDF les moyens de se développer dans la transition énergétique. » Une déclaration corroborée par le Président de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), Jean-François Carenco s’est également prononcé en faveur du projet Hercule. Il a ainsi récemment affirmé que son aboutissement était nécessaire pour « élargir les leviers d’investissements dans la transition énergétique ».

Dans ce contexte, EDF insiste sur l’importance d’élargir et de diversifier son portefeuille d’actifs renouvelables, notamment en accélérant son déploiement sur des technologies comme l’éolien ou le solaire. Cette diversification est jugée indispensable sous peine de voir EDF devenir un « acteur de second rang » selon son PDG Jean-Bernard Lévy. Lors d’une conférence de presse, ce-dernier avait rappelé l’incapacité d’EDF à aujourd’hui investir de façon suffisante dans la production d’électricité verte de par son endettement notamment lié à la production d’électricité nucléaire.

Le Groupe plaide alors en faveur d’une réforme de l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique, dit ARENH. Cette réforme conditionne alors l’aboutissement du Projet Hercule et ne serait pas sans conséquences pour les entreprises. Nous reviendrons dans la suite de cet article sur les potentielles implications d’une telle réforme.

Projet Hercule : quel impact sur les factures des entreprises ?

L’aboutissement du Projet Hercule ne serait pas sans impact sur les factures des consommateurs, qu’il s’agisse des professionnels ou des particuliers, en effet une réforme de l’ARENH a été mise dans la balance.

Un accès facilité à une électricité à prix ARENH

L’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) a été mis en place en 2010 dans le cadre de la loi sur la Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité, dite Loi NOME. Il permet aux fournisseurs alternatifs apparus suite à l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité comme ENGIE, ENI, GAZEL ou VATTENFALL de s’approvisionner en électricité issue de parc de centrales nucléaires d’EDF à prix “coûtant” (c’est-à-dire un prix censé retranscrire le coût de revient pour EDF).

Ce prix coûtant du MégaWatt.heure ARENH est fixé par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). Il est actuellement de 42 €/MWh. La CRE fixe également ce que l’on appelle couramment le plafond de l’ARENH. Il s’agit de la quantité maximale d’électricité pouvant être vendue à prix ARENH. Ce plafond est actuellement fixé à 100 TéraWatt.heures. Ces dernières années, il a systématiquement été dépassé. En termes simples, cela signifie que la demande d’électricité ARENH par les fournisseurs a été supérieure à la quantité d’électricité disponible à prix ARENH. Ce dépassement donne lieu à un écrêtement, c’est-à-dire à une revue à la baisse de la quantité d’électricité ARENH mise à disposition des fournisseurs alternatifs et donc des clients finaux. Cela induit une incertitude sur les prix qui seront effectivement pratiqués par les fournisseurs, au préjudice de l’intérêt initial du mécanisme.

Le projet de réforme permettrait ainsi que l’intégralité de la production nucléaire (soit environ 400 TWh par an) soit accessible via le dispositif ARENH, toujours avec un prix défini par la réglementation et donc moins sensible aux variations du marché.

Les entreprises qui choisissent de souscrire à des offres contenant de l’ARENH éviteraient donc l’effet de l’écrêtement et gagneraient ainsi en visibilité budgétaire.

 Optimiser vos contrats

Un risque d’augmentation globale du prix de l’électricité…

En parallèle de l’augmentation des volumes mis à disposition des fournisseurs, la réforme de l’ARENH comprendrait également une augmentation du prix de vente de l’ARENH entre EDF-producteur et les fournisseurs (dont EDF-commercialisateur).

La CRE s’est prononcée en faveur d’une relève de son prix à 48 €/MWh. Les quatre principaux syndicats français de l’énergie – à savoir la FNME-CGT, la CFE-CGC, la FCE-CFDT et la FNEM-FO – se sont aussi déclarés en faveur d’une augmentation. D’autres estiment encore que le prix devrait se situer dans un corridor (de 6 à 8 €/MWh de large) tout en suivant peu ou prou les prix du marché.

Dans tous ces cas de figure il s’agirait bien d’une hausse du prix de l’ARENH avec un impact direct sur les clients ayant souscrit à ce type de contrat.

De plus une hausse du prix de l’ARENH entraînerait mécaniquement une hausse des Tarifs Réglementés de Vente d’Electricité qui contiennent une part d’approvisionnement en ARENH. Par ricochet, cette augmentation provoquerait une hausse des tarifs pratiqués par les fournisseurs alternatifs d’électricité qui en général indexent leurs prix sur ceux des TRV, et donc finalement cela conduirait à une hausse globale des factures d’électricité.

… Bien que l’impact reste difficile à mesurer précisément

Malgré tout, l’impact précis de la réforme sur chaque consommateur reste difficile à prédire car il faudrait se pencher dans le détail sur chaque contrat. Néanmoins en première approche, on peut considérer que :

  • Pour les consommateurs restés au Tarif Réglementés de Vente ou sur une offre de marché indexée sur les TRV, la réforme devrait se traduire par une hausse du prix.
  • Pour les consommateurs ayant souscrit une offre de marché contenant explicitement de l’ARENH, la conclusion est plus nuancée :
    • La hausse des volumes devrait permettre de faire bénéficier de davantage d’ARENH et donc avoir un effet baissier sur le prix du consommateur.
    • Alors que la hausse du prix de vente de l’ARENH aura un effet haussier sur le prix du consommateur.
  • La réforme sera sans impact pour les consommateurs ayant souscrit une offre de marché à prix fixe.

Compte tenu des prix actuels sur les marchés de l’électricité, souscrire à un contrat en offre de marché contenant de l’ARENH reste tout de même souvent plus intéressant que de faire appel au fournisseur historique pratiquant les Tarifs Réglementés de Vente ou de souscrire une offre de marché fixe. Cela dépend en fait de votre profil de consommation et votre besoin de visibilité budgétaire, n’hésitez pas à solliciter nos experts pour trouver l’offre et le fournisseur les plus adaptés.

 Obtenez les meilleurs prix de l'électricité et du gaz pour votre entreprise  en quelques clics

Quel avenir pour le Projet Hercule ?

« Nationalisation des pertes et privatisation des profits », « démantèlement du Groupe », … depuis son annonce, le projet Hercule a fait face à une véritable levée de boucliers de la part des syndicats et des employés d’EDF.

Le Groupe doit également faire face aux réticences de la Commission Européenne au sujet de sa réorganisation. En effet celle-ci souhaiterait une séparation plus stricte des différentes entités et freine sur la réforme de l’ARENH, évoquée plus haut.

EDF plaide pour une relève du prix du MWh d’électricité ARENH et n’hésite pas à qualifier ce dispositif de « poison » partiellement responsable de son surendettement chronique (la dette du Groupe est ainsi estimée à 42,3 milliards d’euros à fin 2021). Le fournisseur historique plaide également pour une revalorisation de l’énergie nucléaire en tant qu’énergie d’avenir car décarbonée. Un avis que ne partage pas la Commission Européenne, qui refuse cette hausse en invoquant une mise à mal de la libre concurrence entre les fournisseurs d’énergie sur le marché de l’électricité.

L’avenir du projet Hercule est alors actuellement en discussion entre EDF, l’Etat français, et la Commission Européenne. Barbara Pompili, Ministre de la Transition Energétique, a récemment admis n’avoir aucune certitude quant à la capacité de ces trois acteurs à s’accorder dans les mois à venir.

 Contactez nos experts

Partager cet article